Bonjour à tous,

Si vous n’avez pas lu le premier épisode de ma série Résilience, ça se passe ici.

Commençons cet épisode 2 par cette petite pensée qui m’est venue hier.
« Un vélo plus évolué apportera au mieux 10 % de plaisir en plus. Mais quand il sera en panne il apportera 100 % de plaisir en moins et 100 % d’emmerdes en plus. A toi de choisir... »

Loana 2
Résilience(S)

La résilience des vélos est très disparate et peut s’entendre à différents niveaux. Un vélo peut être résilient dans certaines conditions, milieux et pas dans d’autres. Un vélo peut être inutilisable en panne mais facile à réparer alors qu’un autre plus difficile à réparer peut avoir un fonctionnement dégradé acceptable. La résilience peut aussi s’entendre comme la capacité à boucler une sortie ou comme la capacité à être remis en état pour du long terme.

La résilience est aussi très variable selon l’usage et la destination. Les anciens standard ont en grande partie disparu des magasins « modernes » (j’aurais plutôt tendance à les considérer comme étant en retard d’un monde mais ça n’engage que moi…) et surtout, des grandes surfaces spécialisés et il est de plus en plus difficile de les maintenir en état, rapidement en tout cas, si c’est le mode de réparation choisi. Mais c’est exactement l’inverse qui se produira si vous misez sur un atelier participatif ou si vous partez dans un pays moins développé (je vous laisse creuser la notion…) où vous pourrez vous dépanner en piratant un vélo hors d’usage...

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Essai de classification

J’ai essayé d’établir des niveaux de résilience mais ça devient vite complexe et pas forcément utile. Toutefois, cette classification en 4 niveaux me semble intéressante :
1 -  vélo doté de nombreuses pièces en « standards propriétaires » qui ne pourra être dépanné le jour où les pièces en question ne seront plus disponibles. C’est malheureusement le cas de très nombreux vélos actuels, notamment tous ceux dotés d’une assistance électrique tout intégrée
2 – vélo avec des standards modernes (donc qui changent tout le temps) mais non propriétaires (plusieurs marques de produits possibles), dont certaines pièces peuvent être remplacées par des pièces plus résilientes mais demande de changer un certain ensemble (par exemple un pédalier avec plateau direct-mount, le jour où on ne trouve plus la couronne il faut changer tout le pédalier)
3 – vélo très résilient avec des standards qui ont été largement répandus et que l’on peut trouver n’importe où notamment en récup. C’est le cas de nombreux vélos, surtout des VTT, de la fin des années 80, début des 90. On peut mettre en 3+ de vélos spécialement pensés pour la résilience. Genre le même cadre de VTT, si on lui ajoute une patte disque et des plots de commande dérailleur au cadre devient vraiment dépannable dans un paquet de configurations
4 – c’est un vélo 3+ mais pensé pour accompagner la résilience globale. Plus qu’un vélo résilient, c’est un outil de résilience. Donc un cargo (mais solide et simple, raison pour laquelle je préfère le long tail au long john, moins citadin, plus ardéchois : la Mule).


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Le vélo le plus aberrant que je connaisse ? Peut-être le cargo électrique tout intégré. Un vélo censé pouvoir participer à une certaine transition mais qui partira à la poubelle au premier effondrement mineur. Ses vendeurs diront qu’il est de catégorie 4. En fait il est 1… A noter que mon cargo ci-dessus n'est pas non plus de niveau 4 car sa résilience propre n'est pas de niveau 3 (mais peut le devenir avec un peu de bricolage).

Solidité et résilience ne sont pas synonymes. Un vélo peut être solide mais difficile à réparer et sans plan B pour un mode dégradé. Un vélo peut être fragile mais très résilient. Tant qu’à faire, autant avoir un vélo solide ET résilient...

Tous les vélos doivent-ils être résilients ?

Tous les vélos doivent-ils être résilients ? De classe 3 ? Probablement pas. Le vélo de loisir n’est pas mort et il n’y a pas de raison de le faire mourir prématurément. Il y a peut-être urgence, mais on ne peut savoir vraiment où va aller le Monde et il n’y a pas de mal à se faire du bien.

Perso, je n’ai pas envie de renoncer à rouler avec mon fat uniquement parce qu’il est possible qu’il n’ait pas sa place dans le Monde de demain. Je crois aussi qu’on ne peut pas empêcher les gens d’aller au bout de leur démarche, jusqu'à en toucher le manque de cohérence, les limites. Je suis allé jusqu’au gros tout suspendu avec tige télescopique pour me rendre compte que je m’amusais plus sur un singlespeed en acier. Taper le mur et revenir est didactique, s’interdire ou se voir interdire d’aller au bout génère une frustration qui rejaillira plus tard, plus fort. Je crois que ce mouvement d’expansion-rétractation est une Loi de l’Univers qui se vérifie à tous les niveaux. J’essaie maintenant de laisser les gens aller taper dans leur mur et je m’occupe de mes propres murs.

Saint Remèze



Et puis c’est aussi une forme de beauté de voir ce que les mecs arrivent à faire avec ces vélos ultra technologiques. Regardez une manche de championnat du monde de DH ou du freeride de haut niveau. La haute technologie est tout autant une merveilleuse illustration du pouvoir humain qu’une catastrophe…

Donc les vélos non résilients ont probablement leur place. Pour s’amuser ou pour laisser aux autres le droit de se manger aussi le mur. Ils sont didactiques en quelque sorte.

Nous sommes encore dans un Monde où le loisir a une place et il n’est finalement pas très important que les vélos de loisir aient une résilience limitée. C’est quand même pas mal qu’ils puissent finir une sortie ou être réparés sans être mis à la poubelle. En revanche, il me semble nettement plus nécessaire que les vélos utilitaires le soient. C’est déjà en partie le cas, à l’exception majeure des vélos électriques intégrés dont on ne pourra récupérer guère plus que les roues et quelques pièces.

Reste le SUV, le sportif et utilitaire vélocipède. Le SUV, la voiture qui vend du rêve aux citadins et qui ne verra jamais (Dieu merci!) le moindre chemin. Un concept marketing en diable. Mais c’est le  type de vélo qui devrait être le plus répandu. Un vélo fait pour s’amuser mais capable de se muer en  gentil vélotaf, ou le contraire. Le vélo qui fait tout n’est pas possible, trop de paramètres sont réellement antinomiques (un cargo qui passerait les épingles ou de gros gaps???). Mais le vélo qui fait beaucoup peut exister.

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C’est à ce moment là que penser résilience est intéressant car on n’est pas obligé de partir d’un vélo déjà dégradé, un vélo juste fait pour faire le job. On peut le monter de manière à ce qu’il soit ludique, à ce qu’on prenne du plaisir en utilisation loisir, tout terrain ou autre, mais réfléchir à tout un tas de modes dégradés qui feront que dans un monde lui-même dégradé (là encore on peut discuter de savoir si c'est une dégradation ou une regénération...) on trouvera des épaves aptes à le maintenir en état de rouler. Ou sans collapser aussi loin, dans un bazar tel que le bazar ambiant au niveau du marché du vélo où on ne trouve plus rien nulle part, on pourra acheter des pièces compatibles.

A bientôt pour un épisode où nous rentrerons plus dans la ferraille et le cambouis. Je retourne endoctriner mes stagiaires !